Moi, j’ai des problèmes. J’ai toujours eu des problèmes et je ne sais pas pourquoi.
Je suis né belge. Être belge, ce n’est pas extraordinaire, mais c’est un peu compliqué parce que nous
avons trois langues officielles. Je parle mal le flamand et malheureusement, quand je cherche du
travail, avec mes diplômes, c’est ennuyeux : “Vous ne parlez pas flamand ? Vous ne l’écrivez pas non
plus ? C’est dommage !”
Mais c’est peut-être la Belgique qui a des problèmes, et pas moi...
Bien sûr, il y a mon nom : je m’appelle Xavier Icks. À mon avis, c’est un beau nom, mais un nom
fatigant. Quand je signe XX par exemple sur un document, il y a des gens qui pensent que je ne sais
pas écrire. Ils me regardent gentiment et ils me disent : “Excusez-moi, il faut signer vraiment !”
Quand les gens sont là, devant moi, je répète encore une fois, lentement : “Je suis désolé, je m’appelle
Xavier Icks (et j’épelle mon nom de famille). Je signe X pour Xavier et X pour Icks. J’ai toujours
signé avec deux X. Vous comprenez ?”... Ils comprennent, ils répondent que c’est amusant, mais ce
n’est pas fini : ils ne veulent pas du tout de document avec un XX. Moi, je ne veux pas changer : je
suis né belge et je signe XX. C’est comme ça.
C’est peut-être eux qui ont un problème, et pas moi...
Cette année, en mars, j’ai rencontré une jeune fille, une jeune française. Elle est étudiante et jeune
fille au pair chez une famille qui habite à Wiltz, une ville du Luxembourg. Son prénom, c’est Yvonne.
Joli prénom, n’est-ce pas ? Je l’invite plusieurs fois au cinéma pour voir des films romantiques, on se
tutoie, et je m’intéresse à la chimie (elle est étudiante en chimie). En avril, je lui propose un weekend
dans les Ardennes et elle accepte. Je pense alors : “Histoire classique : dans un mois, on va à la
mairie et Yvonne va être ma femme au foyer...”.
Le samedi 27 avril, on est dans les Ardennes. Sur le registre de l’hôtel, quand on arrive, elle écrit son
nom, Yvonne Ygrec. Mais quand je signe XX, elle me dit : “Mais Xavier ! Malheureusement, ça ne
va pas ! Nous ne pouvons pas vivre ensemble ! C’est terrible, mais j’ai déjà assez de problèmes
comme ça”. Et elle part ! Moi, je ne veux pas changer : je suis né belge, je signe XX, et j’aime cette
jeune fille, qui signe YY. Et elle non plus ne veut pas changer. C’est comme ça.
C’est peut-être elle qui a un problème, pas moi...